LA mémoire de nos anciens ...à partager

Souvenirs d'enfance

Cantou, cheminée, cuzals
Photo P&E : musée du Cuzals

Nicole, 75 ans, se souvient :

 

LA CUISINE AU "CANTOU"

 

Le Cantou signifie coin du feu en occitan.
C’est tout d’abord un savoir faire.  D’abord allumer le feu (sans Johnny !). Placer une bûche de chaque côté du foyer, calée sur les chenets ou « trafouillers », une poignée de sarments ou de menu bois bien sec au-dessus, du papier journal ou de la paille enflammés qu’on passe en dessous.

Le plus important, savoir guider l’intensité des flammes, grand feu pour amener à ébullition ou frire, petit feu pour mijoter. Malgré tout il arrivait que des odeurs de brûlé s’échappent des tourtières, ce n’était pas le jour des félicitations, surtout s’il s’agissait d’ un légume printanier, tels les petits pois, les haricots…
Le moins risqué était la soupe, 8 à 10 l d’eau dans la marmite « l ’oule » des légumes du jardin, carottes, pommes de terre qu’on nommaient patates, poireaux, chou, citrouille, rave, chou-rave « rutabaga », d’un morceau de lard pilé avec une gousse d’ail dans le « piladou », mortier fabriqué maison dans un morceau de bois, tout comme la planche à découper d’ailleurs, et quelquefois on ajoutait un morceau de jambon. Le tout cuisait dans « l’oule », grosse marmite en fonte qu’on accrochait à la crémaillère « lo carmal », grand feu jusqu’à l’ébullition, la cuisson se poursuivait avec quelques bûches et les braises.

On appelait cette soupe qui venait d’être faite « la soupe de neuf ».

 

Je revois mon père, caler la grosse miche de pain dans le tiroir en bout de table contre sa poitrine et tailler à l’aide d’un couteau en forme de faucille, de grandes tranches minces : « les trempes », qu’on disposait dans la soupière. Le bouillon bouillant et ses légumes étaient versés sur « les trempes de pain », on remettait le couvercle et on laissait « gonfler » le tout.

Ce bouillon «était fait pour 2 ou 3 jours. Les jours d’après il fallait le faire réchauffer, ou bouillir pour le conserver (pas de frigo). Quand la marmite était à nouveau sur le feu, il ne fallait surtout pas soulever le couvercle, sinon on mangeait la « soupe fumée », et  les grimaces qui vont avec, ce n’était pas apprécié.

Parfois, dans ce bouillon on y faisait cuire un « farçou » . C’était du pain émietté, auquel on ajoutait 2 ou 3 œufs, de l’ail du persil. On enfermait cette farce dans 1 ou 2 feuilles de chou fourrager, il avait l’avantage de donner de grandes feuilles. Le tout était ficelé et mis à cuire dans le bouillon bouillant de la soupe de neuf. J’aimais bien ce plat et je trouvais que la soupe en était enrichie.

On comprend alors que le pain avait une telle importance. Il était la base de notre alimentation, d’où le proverbe occitan « lo pau dur ten l’oustal ségur ». (le pain dur tient la maison sure)

Cette soupe était servie matin midi et soir pour ce qui est des adultes. Avec mon frère nous déjeunions au lait de chèvre, versé bouillant sur dur des morceaux de pain qu’on appelait des « toastes ».

 

 

Toujours à propos de soupe, je me rappelle du facteur, monsieur Bouysset, dans les années 1956, qui passait tous les jours chez nous, en vélo et c’était souvent midi de l’heure vieille (heure solaire) soit 13h de l’heure légale, car nous étions abonnés au journal La Dépêche du Midi. Il n’était pas rare de lui proposer une assiette de soupe et le chabrot qui va avec. Il repartait content et réconforté.